Retrouvez cet article publié dans les revues Infobébés et Infocrèche.
Les morsures entre enfants n’ont pas fini de parler d’elles! Car en plus d’être récurrentes, celles-ci laissent les adultes démunis. A tel point que les parents de mordeurs et de mordus, se retrouvent au pied du mur… Bienvenue dans le monde merveilleux de nos petits anges !
Mathéo se redresse minutieusement sur ses deux petites jambes. Le regard vif, il titube doucement mais sûrement jusqu’à Enzo son voisin de jeu. Et « crac » ! Il lui mord le bras. Surpris, l’autre enfant se met à chouiner, les yeux rivés vers l’adulte. Cet épisode, assez banal en soi, fait partie inhérente du quotidien des tout-petits. Et malgré sa récurrence, il continue de vous interroger. La réaction idéale? Elle n’existe pas. Chacun de vous réagissez différemment en fonction de votre sensibilité et de votre histoire. Toutefois, un bref décryptage de cette situation vous permettra de mieux l’aborder le jour J. Pourquoi un enfant mord-il ? Que ressent l’enfant mordu ? Que dire, que faire ? Et surtout, quand vous inquiéter ?
Une manière de s’exprimer
La bouche est pour le tout-petit un organe de découverte du monde, une sorte de troisième main qui va lui permettre d’explorer son entourage et son environnement. Dès la naissance, un enfant met tout à la bouche! Dès 6 ou 7 mois, vous approchez votre visage du sien et il va tenter de vous mordre le bout du nez. Mamie lui offre un joli chien en peluche? Sans doute mordillera-t-il allégrement le bout de ses oreilles ! De même, il peut malheureusement lui arriver de mordre l’un des jeunes enfants qui est à sa portée. Mais pas de panique ! A cet âge, cette conduite n’est pas synonyme d’agressivité car son intention n’était pas de blesser. Mordre peut juste être pour le tout-petit une manière de s’exprimer et de décharger à un moment précis une tension induite par la faim ou la peur. Soyez donc rassurés : ce n’est pas parce que votre enfant mord son copain de jeu à un an, qu’il sera le caïd du quartier à vingt ans! Grandir c’est aussi apprendre à gérer ses frustrations.
Tournons-nous à présent vers l’enfant mordu… A moins que l’enfant mordeur ne soit muni de dents de tyrannosaure, l’enfant mordu ne risque pas grand-chose si ce n’est d’être très surpris. « Il arrive que certains parents s’affolent en voyant la marque rouge sur leur enfant et se sentent agressés, alors que l’enfant lui-même a tourné la page depuis un bon bout de temps ! » témoigne Sandra, auxiliaire de puériculture. Cette morsure vous questionne : mais pourquoi lui ? Peut-être tout simplement parce qu’il était à portée… de dents. Les enfants les plus vulnérables aux morsures seraient généralement peu mobiles et plus passifs dans un contexte donné. Le petit Livio qui est assis sur le tapis en train de feuilleter un livre est plus facile à atteindre que le copain qui s’amuse à courir après les pigeons. Toutefois, pas d’inquiétude: ce n’est pas parce que votre enfant s’est laissé mordre à un an, qu’il deviendra une tête de turc ad vitam eternam ! Avec le temps, il apprendra bien vite à repérer la menace et à se défendre. En attendant… c’est à vous de jouer !
Comment réagir ?
Que votre enfant soit mordeur ou mordu, vous devez garder votre calme et dédramatiser. Et surtout, il est important de ne pas le stigmatiser « agresseur » ou « victime », sans quoi il risque de s’y identifier. De plus, ne cédez pas à votre premier réflexe qui serait de gronder ou de punir un enfant mordeur, ou encore de le mordre en retour! La violence de cette réaction risque d’exacerber sa frustration au lieu de la désamorcer… N’oubliez pas que la douceur reste le meilleur antidote de la violence. Encouragez le mordeur à exprimer autrement sa frustration: « Tu peux dire que tu es fâché ou que tu es en colère. Mais rappelle-toi qu’il est interdit de faire du mal à l’autre ». Si vous sentez l’enfant particulièrement à fleur de peau ces derniers temps, n’hésitez pas à cultiver avec lui des activités apaisantes telles que la lecture, le chant, le dessin, les massages.
Enfin, n’oubliez pas que l’adulte que vous êtes demeure son modèle ! Ainsi en sa présence, demeurez toujours détendue, que vous soyez en conflit avec l’aînée qui vient de décrocher un zéro pointé à l’école, ou avec votre conjoint qui a encore oublié votre anniversaire! Enfin, gardez en tête qu’un petit mordeur d’un jour peut très bien être mordu un autre jour… Justement, du côté du petit mordu, le « traumatisme » de cette morsure dépendra en grande partie du sens que vous lui accorderez. Il est donc important que vous gardiez votre calme. Dans un premier temps, expliquez-lui qu’il n’était pas ciblé : «Cet enfant ne voulait pas te faire du mal, à toi. C’est juste qu’à ce moment il était très en colère et ne savait pas comment réagir». Puis, précisez-lui qu’il n’a pas non plus à se laisser mordre : «Tu n’as pas le droit de faire du mal à d’autres enfants, tout comme ils n’ont pas le droit non plus de te faire mal à toi. Cela est valable dans les deux sens».
Gérer aussi l’affaire entre adultes
Deux cas de figure sont possibles : soit cette morsure a eu lieu en votre présence et celle du parent de l’autre enfant (au parc, à votre domicile, chez une amie), soit en la seule présence du professionnel (à la crèche ou chez la nounou). Si votre enfant a été mordu, il est important de considérer les faits posément, sans mettre de pression sur l’adulte. Dans le premier cas, notifiez-lui simplement que son enfant vient de mordre le vôtre, et sollicitez calmement une plus grande vigilance de sa part. Dans le second cas, renseignez-vous auprès de la professionnelle sur le contexte: « Mon enfant a-t-il beaucoup pleuré Êtes-vous parvenue facilement à le consoler ? S’agit-il d’un enfant avec qui il joue bien habituellement? ». Ne décidez pas sur un coup de tête de porter plainte contre l’autre parent, comme le font certains! Une situation arrivée à la crèche reste sous la responsabilité de son personnel et doit se régler sur place. A l’inverse, si c’est votre enfant qui a mordu un de ses copains, il est important que le parent ou le professionnel sente que vous accordez de l’importance à cette morsure. Présentez vos excuses au parent concerné et recadrez avec douceur votre enfant, en sa présence. Les professionnels de la petite enfance sont généralement mis à mal lorsqu’un enfant mord à répétition, car tout ce qui arrive durant la journée relève de leur responsabilité. Ceci les conduit à revisiter leur pratique et leur organisation quotidienne pour tenter de séparer les enfants concernés. Le risque est alors que l’enfant mordeur soit stigmatisé par l’équipe, à tel point que dès qu’un enfant se met à pleurer, les professionnels se disent : « Ah c’est encore lui qui a mordu ! ». Alors que ce n’est pas toujours le cas…Demandez au professionnel quelques précisions sur l’avant et l’après de cette morsure : « A quel moment de la journée est-ce arrivé ? Mon enfant avait-il faim ? Etait-il particulièrement fatigué ? ». Un décryptage du contexte vous permettra de mieux comprendre la réaction de votre enfant. Sachez par ailleurs que l’auxiliaire ou la nounou est tenue au secret professionnel et n’est donc pas habilitée à communiquer le nom de l’enfant mordeur au parent de l’enfant mordu. Mais attention, bien que ces morsures soient bénignes et propres à une période de vie de votre tout-petit, certains signes doivent tout de même vous inquiéter…
Vous l’aurez compris, les morsures entre enfants font partie du quotidien des jeunes enfants et de leurs parents. Votre objectif ne sera donc pas de les éviter, mais de les accompagner. Pour cela, munissez-vous d’un brin de douceur, d’un soupçon de méthode et d’une bonne dose d’optimisme !
Julie mord de plus en plus souvent !
« Depuis la naissance de sa sœur, ma petite Julie, quinze mois, mord de plus en plus souvent ses copains à la crèche. Ce qui m’étonne à moitié car je ne la sens pas dans son assiette depuis quelques temps. Du coup, j’ai toujours la boule au ventre quand je viens la récupérer le soir : j’ai peur de ce que vont me dire les auxiliaires et je fuis du regard les autres parents. Je ne tiens pas à ce que l’on pense que je l’ai mal élevée ! ». Françoise, Fontenay-aux-Roses (92).
Mon fils a encore été mordu !
« C’est la deuxième fois cette semaine que je récupère Fabio chez l’assistante maternelle avec des marques de morsure sur l’avant-bras. Cela me fait tellement de peine de savoir qu’il a souffert alors que je n’étais pas là pour le réconforter! J’ai l’impression d’en vouloir à la terre entière : à la nounou, à l’enfant en question et aussi à ses parents qui ne font rien pour le cadrer. Comme si cela pouvait me soulager… ». Colette, Gap (05).
« Si la situation se répète, il faut chercher à comprendre pourquoi »
Passé deux ans, l’accès au langage permet à l’enfant d’exprimer et de décharger sa tension autrement, par des colères notamment. S’il continue de mordre et ce à répétition, essayez de comprendre la raison et tournez vous vers l’auxiliaire ou la nounou : « A quel moment de la journée mord-il le plus? Mord-il un enfant en particulier? Comment est-il le reste du temps avec les autres enfants? ». A l’inverse, il est également légitime de vous inquiéter et d’en parler si votre enfant est mordu à répétition.
Conseillère : Jacqueline Wendland, docteur en psychologie, psychothérapeute et maître de conférences en psychopathologie du jeune enfant à l’université Paris Descartes (92).